Le choix de l’Etat démocrate est une avancée majeure pour le mouvement abolitionniste.
Washington – correspondant La Virginie va devenir le premier Etat sudiste des Etats-Unis à supprimer la peine de mort. Les démocrates, majoritaires dans les deux chambres depuis 2019, ont voté définitivement en faveur de cette suppression, lundi 22 février, avec le soutien d’ une élue républicaine au Sénat et de deux autres à la Chambre de l’ Etat. Le gouverneur démocrate de Virginie, Ralph Northam, s’ est engagé de longue date à signer tout projet de loi en cesens qui serait adopté par le Congrès local.
Les votes de lundi constituent une avancée majeure pour le mouvement abolitionniste depuis la reprise des exécutions capitales en 1976. C’ est en effet dans ce qui était encore une colonie britannique que le premier condamné à mort du Nouveau Monde avait été pendu, en 1608.
La Virginie totalise depuis cette date le plus grand nombre d’ exécutions des Etats-Unis, près de 1400, la dernière étant survenue en 2017. Depuis le rétablissement du châtiment suprême, cet Etat n’ a été distancé que par le Texas, avec 113 exécutions contre 570 dans le Lone Star State.
Inégalités raciales Témoignage de son passé esclavagiste, la peine de mort en Virginie a été étroitement liée aux inégalités raciales, les Noirs étantparticulièrement victimes d’ échelles de peines plus sévères que pour les Blancs. Cette inégalité a perduré même après qu’ elles avaient été déclarées inconstitutionnelles, du fait de jurys exclusivement blancs, selon l’ organisation abolitionniste Death Penalty Information Center, citée par le Washington Post . Entre 1900 et 1969, aucun Blanc n’ avait ainsi été exécuté pour viol, tentative de viol ou vol, contrairement à 73 Afro-Américains. Le facteur racial explique en partie les votes de lundi.
Ils surviennent quelques mois après la forte mobilisation déclenchée par la mort de George Floyd, un Afro-Américain, à Minneapolis, étouffé par un policier blanc. Cette mort a relancé spectaculairement le mouvement Black Lives Matter.
Mais c’ est surtout la lente transformation des démocrates de Virginie, un ancien bastion républicain, qui a permis cette avancée à laquelle la majorité des élus républicains reste opposée. Deux des prédécesseurs démocrates de Ralph Northam, Tim Kaine (2006-2010) et Terry McAuliffe (2014-2018), personnellement opposés l’ un comme l’ autre à la peine capitale du fait de leur foi catholique, avaient laissé s’ appliquer les condamnations à mort pendant leurs mandats respectifs. Des élus de leur parti avaient également voté en 2007 en faveur d’ une disposition étendant cette condamnation à l’ instigateur d’ un crime, outre son exécutant. Désormais, tous les candidats démocrates à la succession du gouverneur, qui ne peut se représenter, ont pris position en faveur de la suppression de la peine capitale.
Après le Maryland en 2013, puis l’ Etat de Washington en 2018, le New Hampshire en 2019 et le Colorado en 2020, la Virginie va donc devenir le 23 e Etat abolitionniste, une liste qui comporte également le District de Columbia, siège de la capitale fédérale, et le territoire de Porto Rico. Gavin Newsom, le gouverneur de l’ Etat le plus peuplé des Etats-Unis, la Californie, a déclaré un moratoire sur les exécutions en 2019.
Le châtiment suprême subsiste à l’ état de relique dans le Wyoming, qui n’ a exécuté aucun condamné depuis 1992 et qui ne compte aucun détenu dans le couloir de la mort. Le Kentucky et le Montana n’ ont exécuté que trois condamnés depuis 1976, et la peine de mort a été appliquée pour la dernière fois en 2008 dans le premier, et en 2006 dans le second. L’ Oregon n’ a appliqué que deux fois le châtiment suprême depuis 1976, la dernière fois en 1997.
La progression de la cause abolitionniste explique le très faible nombre d’ exécutions en 2020: dix-sept. Il s’ agit du nombre le plus bas depuis 1991. Il aurait pu être encore plus faible si l’ administration de Donald Trump n’ avait pas mis fin à un moratoire concernant les exécutions fédérales et n’ avait pas procédé à marche forcée à la mise à mort de dix condamnés en 2020, et de trois autres avant la fin du mandat du républicain, le 20 janvier. Interrogé à ce propos lors de son audition de confirmation au Sénat, Merrick Garland, qui devrait occuper les fonctions d’ attorney général des Etats-Unis (ministre de la justice), a laissé entendre lundi que ce moratoire serait rétabli sous la présidence de Joe Biden.